La Cour européenne de justice (CJUE) se penche une nouvelle fois dans les prochains jours sur le dossier du Sahara occidental, les indépendantistes du Front Polisario contestant des accords UE-Maroc permettant à Rabat d’exporter tomates, melons et poissons de l’ancienne colonie espagnole. Deux audiences sont prévues, mardi et mercredi, devant la 9e chambre de la CJUE à Luxembourg, qui, toutefois, «devrait rendre son délibéré dans plusieurs mois».
Pour le Front Polisario, il s’agit de stopper le «pillage des ressources naturelles» du territoire, «principalement l’agriculture d’exportation, le phosphate, la pêche et le tourisme», comme l’a expliqué à l’AFP l’avocat français Gilles Devers, chargé du dossier. Face à ce «harcèlement judiciaire», le Maroc compte lui, défendre «la légitimité de son partenariat» commercial avec l’UE, a déclaré son ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, cité par l’agence officielle MAP.
80% du territoire contrôlés par le Maroc
Vaste étendue désertique de 266 000 km2 située au nord de la Mauritanie, le Sahara occidental est le dernier territoire du continent africain dont le statut post-colonial n’est pas réglé: le Maroc en contrôle plus de 80% à l’ouest, le Front Polisario moins de 20% à l’est, le tout étant séparé par un mur de sable et une zone tampon sous contrôle des casques bleus de l’ONU.
Des négociations de paix quadripartites (Maroc, Polisario, Algérie et Mauritanie) menées sous les auspices de l’ONU sont suspendues depuis le printemps 2019. Rabat propose un plan d’autonomie sous sa souveraineté, en mettant en avant la stabilité de la région et les millions investis dans les infrastructures locales. Se considérant comme la principale victime de ce conflit oublié, le Polisario, qui a proclamé une République sahraouie (RASD) en 1976, milite pour l’indépendance avec le soutien de l’Algérie, en réclamant un référendum d’autodétermination prévu par les Nations unies.
435 millions d’euros de produits exportés en 2019
Après près de 30 ans de cessez-le-feu, les tensions ont ressurgi en novembre 2020 quand le Maroc a déployé ses troupes dans une zone tampon de l’extrême sud du Sahara occidental, pour chasser des indépendantistes qui bloquaient la seule route commerciale vers l’Afrique de l’Ouest, selon eux, illégale. Le Polisario se dit depuis «en état de guerre de légitime défense» et annonce régulièrement des «attaques» contre les positions marocaines, la dernière ayant fait selon lui trois morts fin janvier. Le Maroc répond en dénonçant une «guerre médiatique» et des «victoires imaginaires».
Dans le même temps, le mouvement indépendantiste mène un «combat économique», avec des actions juridiques notamment auprès de la CJUE, comme le souligne Me Devers. Car, selon lui, les «facilités d’accès au marché européen» contribuent au «maintien de la colonisation» marocaine. Le but, à terme, pour le Polisario est aussi de faire partir les entreprises européennes installées au Sahara occidental.
L’enjeu financier n’est pas négligeable: en 2019, le Maroc a exporté vers l’UE pour près de 435 millions d’euros de produits issus du Sahara occidental, essentiellement du poisson, selon un document publié en décembre 2020 par la Commission européenne, qui ne donne aucun chiffre concernant le phosphate, une autre ressource de la zone.
(L’essentiel/afp)